Tanis, le nouveau monde

Ma main posée sur le hublot, je lance un dernier regard en direction de la terre. Au fut et à mesure que nous partons pour Tanis, notre monde se transforme en un vague souvenir qui bientôt ne sera plus qu’un grain de sable dans l’immensité de l’univers. Je n’ose plus la regarder, plus on s’éloigne et plus c’est dur de la regarder en face. Je me détourne du hublot afin de mieux examiner chaque individu qui se trouve avec moi, nous sommes confinés dans un petit espace, bientôt nous serons sur Tanis et nous pourrons respirer l’air pur de notre nouveau monde. Mais pour le moment la fin tragique de l’humanité laisse une atmosphère amère dans l’habitacle. Les guerres incessantes, le massacre des innocents, la diminution des ressources, ont été suffisant pour décider nos dirigeants à quitter la planète. Ils ont du faire des choix, seule les gens en bonne santé on eu la permission de partir. La terre est devenue un vrai champ de bataille, l’anarchie a vu le jour et s’est emparé de notre monde. Le poids du sacrifice est lourd pour nos dirigeants, abandonner ces hommes et ces femmes dans ce chaos est une abnégation et ils devront vivre avec jusqu'à la fin de leur vie. En regardant un à un les visages de mes « compatriotes » ,il me vient à l’esprit que nous aussi, les survivants, nous allons devoir vivre avec la mort de ces millions d’êtres humains. Un petit garçon me dévisage avec assurance et pourtant je distingue une fébrilité dans son regard, je ressens sa peur et sa colère. Comment un enfant peut-il enduré ça ? La folie humaine nous a contraint à fuir et pourtant elle est là, quelque part, elle nous observe jusqu'à devenir plus forte, nous contraignons à vivre dans l’obscurité. Une lueur de folie traverse les yeux du petit garçon afin de laisser place au chagrin, il regarde ses mains et se met à pleurer. Personne n’ose réagir, emmuré dans un mutisme pesant, avec comme seul fond sonore des sanglots d’enfant, nous déchirant petit à petit le semblant de cœur qui nous reste…

« Tanis est le seul espoir qu’a l’humanité. » Ce sont sur ces derniers mots que mon père et moi nous sommes dit adieu, peu après je montais dans le petit vaisseau qui nous mènerai à Tanis. Je l’ai regardai à travers le hublot et ma vue s’est embué, on ne l’a pas forcé à rester mais étant médecin il a décidé de s’occuper des derniers survivants sur terre. En descendant du vaisseau, l’air pur et saine de Tanis vient nous caresser le visage, respirer redevient un plaisir. Mon père aurait adoré cette planète et je l’imagine, me regardant avec un grand sourire, me prendre dans ses bras. Le regard perdu dans mes pensées je ne fais pas attention à ce qui m’entoure, le petit vaisseau se tient au milieu d’une piste d’atterrissage immense, entouré d’arbre deux fois plus grand que deux de la Terre, et de fleurs aux milles couleurs magnifiques. Le spectacle est grandiose, les arbres nous surplomb cachant ainsi notre présence des cieux. Au fond de cette grotte de végétation une ouverture laisse passé de nouveau vaisseau avec au bord des voyageurs, comme nous. La foule devant moi se met à bouger mais je reste figé, subjugué par autant de beauté. Une légère pression sur mon bras gauche me sort de ma torpeur, un homme corpulent, d’une cinquantaine d’année, me fait face. Je l’interroge du regard mais il ne tique pas, il me fixe d’un regard inquiétant mais empreint de sagesse.

- Vous êtes la fille du Docteur Berkeley, n’est-ce pas ?

Je n’ose pas répondre, cet homme a surement connu mon père, ils ont même du travailler ensemble mais je ne lui répond pas.

- Qui êtes-vous ? Dis-je d’une voix frêle, mes cordes vocales s’étant quelque peu endormi durant le voyage.
- Je suis désolé, je ne me suis pas présenté. Je suis le Docteur Van Weissmann, j’ai travaillé avec votre père lors des dernières émeutes… Sa phrase reste en suspens mais je le comprends, ces émeutes étaient très violentes et il faut garder une vision de notre monde en bonne santé.

Je lui adresse un petit sourire et je me mets en quête d’une connaissance mais ce sont tous des étrangers pour moi. Même cet homme, ce docteur, ne me semble pas familier. Un calme anormal règne sur la foule, quelques brides de conversations se font entendre mais ce silence me met mal à l’aise. Soudain, sans prévenir, j’ai un haut le cœur, mon corps tout entier est prit de spasme, m’arrachant un cri de douleur, ou bien de soulagement. Je m’écroule sur le sol, happée par l’obscurité. Des voix sans visage résonnent dans ma tête, j’ai l’impression que l’on m’arrache la peau. Finalement la douleur se dissipe et j’ouvre en partie les yeux. Tout est flou et il me semble voir une ombre au dessus de moi. Je cligne de yeux, cherchant à y voir plus clair. Une voix grave me parvient et je reconnu le Docteur Van Weissmann.

- Mademoiselle Berkeley ?! Me dit-il tout en s’approchant de moi.
- Oui… Ma voix semble inhumaine et lointaine.
- Vous avez fait un malaise, dit-il tout simplement.

Je me relève de mon lit de fortune, une simple couchette militaire, mais je ne parviens pas à me mettre debout. Le Docteur me tient le bras, pensant que j’allais surement tombé. Je le remercie du regard, tout en lui montrant que je vais mieux. La petite salle dans laquelle je me trouve ne contient rien d’autre qu’une couchette, la porte donne sur l’extérieur, à quelques mètres de la piste. Un homme, habillé en costume militaire, indique à la foule une direction, surement la seconde étape de notre voyage. Je le dévisage longuement, cherchant à comprendre. Tout en essayant de me lever je remarques qu’il m’a vu, il hèle le docteur et s’approche de moi. Ses yeux me transpercent, à première vue il n’est pas humain.